lundi 15 octobre 2012

Chansons lorraines : le CD est arrivé !

Le CD des Colporteurs de Refrains, "Quand la saison viendra", est sorti ! Ce CD a été enregistré en mai/juin 2012, avec la participation des élèves de l'école Jean Moulin de Champigneulles (54), et du groupe vocal ados Choeur en Portée.

On chantait autrefois en Lorraine d’aussi belles chansons qu’ailleurs, aussi variées, aussi nombreuses, aussi évocatrices : chants de fêtes, danses, complaintes, chansons de femmes (malmariées, amoureuses, travailleuses, …), chansons de soldats ou de déserteurs, … Certaines sont des versions locales de chansons connues dans toute la France, d’autres sont uniques, propres à la Lorraine, comme l’étrange Trimazo à l’origine celte.
Soigneusement notées par de nombreux collecteurs depuis la moitié du XIXème siècle, ces chansons ne demandent qu’à être transmises aux oreilles d’aujourd’hui. Pour leur redonner vie et couleurs, les Colporteurs de Refrains ont réuni autour d’eux des voix adultes, adolescentes et enfantines.
La Lorraine ayant peu de tradition musicale vivante, les accompagnements s’inspirent des pratiques d’autres régions, mais aussi des artistes lorrains : gravures de Jacques Callot (cornemuse, hautbois de berger, mandole, violon, …), tableaux de Georges de la Tour (vielle à roue) et de Claude Gellée, images d'Epinal ou de Metz, …
S'y ajoute bien sûr un instrument traditionnel lorrain unique en France : l'épinette des Vosges, ainsi que des instruments anciens utilisés autrefois dans toute l'Europe (flûtes à bec, cromorne,…) et des instruments populaires ou classiques plus contemporains (violoncelle, mandoline, guitare, percussions, …).




samedi 13 octobre 2012

Chansons traditionnelles lorraines : les thèmes

Il n'est pas ici question d'un projet folkloriste, passéiste ou identitaire mettant en avant une nostalgie émouvante et pittoresque érigeant en âge d'or la ruralité supposée exemplaire de nos ancêtres et la belle vie d'avant les conflits qui ont bouleversé notre région.

(Conseils aux filles, 1865)
À la lecture ou à l'audition des paroles, apparaissent en creux, presque pudiquement, des considérations plus graves que la légèreté des mélodies qui les soutiennent. En effet, les chansons paraissent légères, voire futiles ou enfantines (ces chansons traditionnelles ont longtemps été rangées au rayon de la chanson pour enfants…). Pourtant, des thèmes se dégagent. Ce qu'ils disent en filigrane, leur symbolique (le loup, les trois capitaines, …), leur implicite, sont bien moins légers. Ces thèmes, aux résonances contemporaines, écornent l'idée d'une époque bénie :

- La condition féminine. Presque toutes les chansons nous présentent une jeune fille d'apparence insouciante, mais docile ou résignée, attendant qu'on lui trouve un mari, sachant même à l'avance qu'elle sera peut-être "maumariée" (Conseils aux filles), ou qu'elle devra élever difficilement de nombreux enfants (voir l'anathème de la chanson "Trimazo"). Même si elle ne se laisse pas forcément faire, elle peut être également à la merci d'un chevalier (Sur l'herbe de fougère), du fils d'un avocat (Vive la Rose), de trois capitaines (En passant par la Lorraine), quand elle n'est pas victime d'un accident de chasse provoqué par le fils du roi (Les canards blancs)…

- La multiplication des conflits. Les jeunes hommes (et leurs familles) étaient, eux, résignés à l'idée qu'au cours de leur vie ils connaîtraient, sans aucun doute, la conscription, la vie militaire et la guerre. D'où le grand nombre de chansons de départ à la guerre (et, parfois de retour), mais aussi de déserteurs emprisonnés (Je plains le sort).

- La dureté de la vie rurale. Les moments de chansons étaient finalement assez nombreux : fêtes, veillées, mais aussi travail aux champs, par exemple… Si les chansons sont gaies ou entraînantes, c'est parce qu'elles sont un exutoire aux difficultés d'une vie quotidienne où il fallait cultiver la terre, trouver à manger, se conformer aux rythmes et aux rites imposés par la société du XIXème siècle et par la religion (plusieurs airs sont des déformations de mélodies entendues à la messe), et supporter les aléas imposés par la nature.

vendredi 12 octobre 2012

Chansons lorraines : les sources

(Les Canards Blancs, dans l'ouvrage du Comte de Puymaigre, 1865)



Les chansons enregistrées sur notre CD résultent la plupart du temps d'une reconstruction, de mélanges de versions de différents collectages. Parfois incomplètes, parfois moins riches au niveau du texte ou de la mélodie, parfois incomplètement restituées, les chansons notées par les collecteurs des siècles passés nécessitent ce rafraîchissement, pour être chantées, comprises et écoutées de nos jours. Les collecteurs eux-mêmes, dans les préfaces de leurs ouvrages, nous y invitent, précisant que ce qu'ils recueillent peut être fragmentaire, appauvri au fil du temps, et en partie oublié par la personne qui restitue la chanson.
Ce procédé a toujours existé dans la musique traditionnelle, qui se transmettait par le bouche à oreille, au gré des transformations que chacun pouvait lui apporter. Puymaigre nous le rappelle, à propos de tel ou tel chant : "Ceux qui l'entendaient le modifiaient à leur façon, recomposaient le passage qu'ils avaient oublié, le remplaçaient par des fragments d'autres pièces, ils allongeaient, abrégeaient, modifiaient suivant leur fantaisie la chanson qu'ils avaient retenue, y ajoutaient des idées nouvelles, substituaient aux mots vieillis d'autres termes plus intelligibles."
Nous avons donc ajouté des reprises, pour redonner à ces chansons leur aspect de "chants à répondre", développé des refrains, enrichi ou complété respectueusement certaines mélodies, pour les rendre dansantes, et utilisé les paroles de différentes sources pour en développer la cohérence et le sens général. (Puymaigre encore : " "Je n'ai pas toujours donné toutes ces répétitions qui eussent de beaucoup augmenté le nombre des pages…")
Enfin, précisons que nous n'avons puisé qu'aux sources francophones, notre propos étant de développer les chansons d'expression française. Les textes recueillis en patois lorrains ou germaniques existent et sont d'une grande richesse, mais nous ne les avons pas utilisés, si ce n'est parfois pour les comparer aux versions que nous avons retenues. Le fait que plusieurs de nos chansons existent dans ces patois renforce bien entendu leur caractère lorrain.

- Mémoires (Bulletin) de la Société d'archéologie lorraine, 1853, 1865, 1896
- Chansons populaires des provinces de France ; Jean-Baptiste Wekerlin, 1860
- Chants populaires recueillis dans le pays messin ; Théodore-Joseph Boudet, Comte de Puymaigre, 1865
- Recueil de chansons populaires ; Eugène Rolland, 6 volumes à partir de 1883
- Chansons populaires de Lorraine ; Raphaël de Westphalen. Recueillies entre 1900 et 1937. Publiées en 1977
- Le Pays lorrain (revue), Charles Sadoul. Chansons recueillies entre 1900 et 1930, publiées de 1904 à 2001
- Anciennes chansons populaires recueillies en Lorraine ; Georges Chepfer, 1909
- Chansons du folklore lorrain ; René Schamber, 1953